Cour des comptes : contrôle des dépenses publiques, oui. De l’opportunité, non !

Publié le par pa.legoutiere

FacadeCDCIl est toujours de bon ton, à la disparition d’un personnage de premier plan, d’en vanter à l’envi les mérites en faisant fi des réserves que l’on aurait eu de son vivant. L’hommage rendu à Philippe Séguin en est l’illustration même, et il ne reviendrait à personne de mettre en cause l’intensité de son engagement ou la sincérité de son implication dans la chose publique. Mais on peut reconnaître la constance d’un homme sans partager ses convictions. L’occasion est donc donnée de revenir sur son action à la tête de la Cour des Comptes, largement inspirée par les orientations générales énoncées par le président Sarkozy. Or l’analyse conduit tout droit à une alternative sans nuances : soit on applaudit, soit on condamne. Je me range à titre personnel sans réserve parmi ceux qui déplorent profondément l’évolution de ce qui aurait du rester une juridiction administrative, et s’est transformée peu à peu en censeur de l’action publique. On trouve clairement les racines du mal dans la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Un nouvel article de la loi fondamentale a en effet été ajouté à cette occasion, qui dispose que « La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l’action du gouvernement. Elle assiste le Parlement et le gouvernement […] dans l’évaluation des politiques publiques. » Une révision conforme aux déclarations du président de la République à l’occasion du bicentenaire de l’institution qu’il souhaitait voir devenir un « grand organisme d'audit et d'évaluation des politiques publiques ». Etrange lecture du fonctionnement des pouvoirs publics comme de la pratique institutionnelle. Cette fonction est en effet assignée au Parlement par la Constitution, dans son article 24, « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l'action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques. » Concrètement, c’est même l’une des missions essentielles des Commissions permanentes, voire des commissions d’enquêtes créées ad hoc. On se trouve donc face à une dénégation affichée des prérogatives du Parlement au profit d’une structure résolument technocratique dont la composition et le mode de fonctionnement laissent plus que sceptique quant à sa capacité à porter un regard prospectif sur l’action du Gouvernement. Sans parler de l’absence totale de légitimité de la part magistrats désormais charger d’évaluer l’opportunité des actions au lieu de la régularité des dépenses. Dans de nombreuses démocraties, les cours financières sont à la disposition du Parlement. Dans notre système, la cour des comptes s’inscrit en rivalité. Le même raisonnement vaut bien sûr pour les Chambres régionales des comptes. Leur relative proximité avec les élus locaux avait permis d’apaiser les craintes d’un contrôle trop pointilleux des politiques publiques. Mais la perspective évoquée d’un regroupement en chambres interrégionales placées sous l’autorité directe de la Cour n’est autre que la traduction d’un mouvement de recentralisation qui n’est pas seulement un signe des temps, mais surtout le reflet d’une volonté d’articulation de l’ensemble des décisions autour du seul exécutif national. Négation des pouvoirs du parlement, rejet de la capacité d’initiative des élus locaux, voilà la direction qui a été donnée ces dernières années. Les médias ont beau jeu de relever –souvent avec drôlerie, parfois avec consternation, les maladresses ou les dérives illustrées par certaines décisions- il n’en reste pas moins que c’est aux électeurs et à eux seuls –et donc à leurs représentants- d’évaluer la pertinence des dépenses publiques.
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